L’AVEUGLEMENT


Peut-on parler, dans le cas d'Israël, d'aveuglement ? En relation avec son ambition, son hybris, sa démesure. Et sa rage.

Revenons aux Tragiques. À Sophocle.
Ajax croit tuer les Argiens ; c'est leurs bœufs qu'il massacre. Pourquoi ? Par un accès de rage. Une jalousie. Parce que les armes d'Achille ne lui ont pas été transmises, mais à Ulysse.
Œdipe ne reconnaît pas son père dans le vieil homme qu'il tue à la croisée des chemins. Pourquoi le tue-t-il ? Parce qu'il lui barre la route. Et que Laïos l'a frappé de son fouet après qu'il ait tué un de ses serviteurs. Il les massacre tous.
Dans les deux cas, ce qui déclenche la folie meurtrière, et la méprise, est la rage. D'où vient-elle, plus profondément que le prétexte ?
D'Athéna.
Masque de Dionysos.
La cause ? Ajax a offensé les dieux par son orgueil en prétendant ne devoir ses exploits qu'à sa vaillance, et sa vaillance qu'à lui-même. Témoin cette folle réponse qu'il fit à son père lui recommandant de demander l'aide des dieux avant de partir au combat : "Avec l'aide d'un dieu, cette victoire, même un homme de rien pourrait l'obtenir. C'est sans les dieux que, pour ma part, je suis sûr de ramener la gloire !"
Les dieux n'oublient pas. Le temps n'oublie pas. Les Erynies. Les termites. La conséquence arrivera. Des actes terribles seront commis. Irréparables. Le malheureux, aveugle à lui-même, triomphera. Œdipe sera roi. Mais la révélation s'acheminera. Implacable. C'est le temps de la tragédie. Et la vérité crèvera les yeux. L'expression vient de là.
Quelle est la faute d'Œdipe ? Avant qu'il ne tue ce vieil homme sur la route, aucune. Pour lui tout s'est joué là. Mais pourquoi fallait il qu'il le tuât ? Quelle faute antérieure, quelle fatalité, l'a poussé à agir - aveuglément - ainsi ? Venue d'où ?
De ses parents. Qui l'ont fait porter, dès sa naissance, dans la montagne, le Cithéron, pour y être la proie des oiseaux et des loups. La raison ? Un oracle. Voix souterraine de la tragédie. L'inscription en lettres de sang de l'identité dans la mémoire :
"Ton fils te tuera."
Cela remonte aux dieux. À l'origine. La plus ancienne histoire.
Le rejet par leur père de ses fils nés de la terre-mère, en qui son époux (né, lui, de son rêve à elle), le soit-disant père, le ciel étoilé, ne voulut pas se reconnaître.
Ouranos.
Fils qu'à peine nés, il renfouit en elle, dans le sein de la terre-mère, où grouillent les vers, séjour des morts. Où brûlent les forges.
Fils que leur mère arma.
Dont le dernier, Cronos, émascula son père et le détrôna. Lequel Cronos à son tour, hanté par le même oracle, enfouit ses enfants, pour plus de sécurité, lui, dans son propre ventre.
Sauf un, Zeus, qui, une pierre enrobée de langes lui ayant été substituée par sa grand-mère Rhéa dans le gosier de Cronos, lui echappa. Qui, à son tour, détrôna son père. Et enfin règna pour le temps d'une ère.
Poursuivi à son tour par l'oracle obstiné, Zeus avale Métis qui le lui annonce et donne naissance à Athéna.
Ainsi, grâce à un usage judicieux de l'oracle, dans cette succession de trois générations de rois divins, aucun n'a tué son père.
C'est à leur descendance, aux rois des hommes, qu'ils ont transmis ce fatum, pour que de père en fils ils paient de leur propre sang le prix de leur ambition, à moins qu'ils ne se souviennent d'où ils viennent.
Une très longue, très profonde et très ancienne histoire. Qui se poursuit d'ère en ère. Et n'est pas près de finir. N'est pas évacuable.
Qui, oubliée, refoulée, enterrée, au seuil du Verseau, revient en force.
Quel rapport avec Israël ?
L'aveuglement. Sur sa démesure. Et sur ses parents. Ses frères humains. Il les humilie. Ne les voit que morts.

LE VIOL CŒUR POURRI DE LA GUERRE 2

GD & GI


L'entre-deux

Ne parler de GD (Gérard Depardieu) que pour le mettre en parallèle avec GI (Gaza-Israël)

LE CORYPHÉE :

Dans le mouvement de la déconstruction de la figure du monstre sacré aux mains baladeuses, aux propos graveleux, aux amitiés tyranniques, champion de France de la gaudriole et maître en évasion fiscale,

Innocenté, avant tout procès, par le président de la République ; sanctifié, adoubé au nom de l'art,

Déclaré monument national,

Ne pas oublier la permission accordée, l'encouragement ministériel à renforcer chez les policiers la pratique de mettre la main à la culotte des jeunes filles qu'ils kidnappent dans les manifs au nom de l'ordre pour les séquestrer et les terroriser dans les commissariats où ils ne se gênent pas pour leur jeter à la face, en écho au "Soyez sages !" de Macron lancé au peuple français tout entier : "Ton vagin est sale."

Côté enfants, qui nous ramènera à Israël et à Gasa, rappeler la puanteur vichyssoise qui nous revient de cette image d'écoliers agenouillés, les mains sur la tête, sous la garde de la milice française, à comparer, cette image, avec celle qu'on ne verra jamais des enfants morts, broyés, défigurés, ensevelis à Gaza sous les décombres des bâtiments pulvérisés par les bombardements israëliens

Remplacée par l'image de la présence, à Gaza, de 4 185 militaires français, jeunes pour la plupart, envoyés, non pour protéger la population, mais pour la tuer, et s'y faire tuer, aux côtés et en renfort des nazis Israëliens

Au nom de ce qu'on pourrait appeler un "fanatisme régulier", national, glacé, déni de notre histoire, affliction de nos foyers, casques bleu-blanc-rouge non de la paix mais de la guerre la plus ignoble, la guerre génocidaire.

Honte aux casques tricolores ! Honte à ceux qui les ont envoyés
!

https://m.youtube.com/shorts/pXYsRoKPff4?si=-QPbwib_HDO0oPpE&fbclid=IwAR1aDVtBgAqKC_jDoEnVEHSKJtIdBWDldolTYeZJwFG1tYGpjW5ZrcAf3Gk
Touche pas ma culotte
Touche pas mes gosses

ISRAËL NAZI FRANCE COMPLICE

 
Pourquoi cet affreux titre ? 

Par delà les photos ci-dessus qui en rendent le sens démonstratif : pour lever l'immunité prédicative dans laquelle se drape l'État sioniste. Lui retourner son arme intimidatrice. Transformer un amalgame abusif en un slogan qui frappe juste. Délier les langues. Libérer l'invective.

Éclaircir les esprits.

La pratique offensive de l'amalgame paralysant : "anti-sioniste=antisémite" prouvée par les bombardements d'hôpitaux soi-disant abris d' "animaux" terroristes : anti-hamas signifie en réalité antipalestine, démasquer l'amalgame projectif.

Montrer que la déshumanisation de l'adversaire est sous-tendue par la volonté, non seulement de briser son bras armé, ce qui serait de bonne guerre, mais d'éliminer un maximum de civils, ce qui n'est plus guerre mais terrorisme.

Pointer du doigt, en troisième lieu, qu'Israël s'est mis en dehors et au dessus des lois internationales.

Pourquoi l'a-t-il fait ?

Pourquoi ce franc nazisme - qu'ils escomptaient impossible à dénoncer - voire à simplement oser voir ?

Le comprendre par son résultat négatif.

L'effet visé, classique (par-delà "briser le bras armé" et "éliminer un maximum de civils") : frapper de terreur les survivants, n'a pas été atteint.

Plus que jamais, le peuple palestinien se tient debout et résiste. Sous le regard du monde entier. Solidaire et admiratif.

Triple échec pour l'État sioniste.

Car plus il tuera d'innocents, moins il pourra absorber leurs descendants. Et encore moins chasser les survivants. Il y a une limite que n'a pas mesuré l'hybris sioniste.

Cette limite est marquée sur les deux fronts de leur action terroriste : par la survie des Gazaoui, que les bombardements et les assauts armés au sol ne peuvent prétendre exterminer complètement et ne parviendront pas à chasser définitivement. D'un autre côté et simultanément, leur entreprise d'expropriation des Palestiniens en Cisjordanie, calquée sur le modèle, réussi en partie, de l'élimination des Indiens d'Amérique. Dans le droit fil de l'esprit du Far West, formateur de réserves, lieux d'expérimentation des limites des capacités de résistance humaine, grandement admirés par Hitler, cette entreprise ne pourra jamais non plus être menée jusqu'à son terme, à cause même de la démesure de l'intervention à Gaza, qui les fait s'éclairer réciproquement. Du coup, malgré l'interdiction et l'élimination des journalistes,
le monde entier a les yeux tournés vers les deux champs d'action où elle constate jour après jour leurs actions terroristes,

Une seconde limite à l'hybris sioniste est marquée par son échec militaire à Gaza, qui apparaîtra dans quelques semaines au grand jour. La résistance palestinienne a des racines trop profondes pour que son bras armé soit jamais détruit complètement.

La limite à l'hybris sioniste est marquée en troisième lieu par son échec moral, qui lui fera bientôt perdre l'appui international fondateur de la légitimité discutable de son installation en 1948 en Palestine.

C'est le principal écueil dont le complot sioniste n'avait pas bien mesuré la menace. La manifestation aux yeux du monde de son échec moral qui de jour en jour s'achemine vers quelque chose de définitif, qui pourrait être la perte du droit provisoire et fragile d'Israël d'exister comme État en Palestine. En tout cas l'échec de la clique sioniste à faire de cette tentative une réussite, parce qu'elle a cédé à la tentation, inhérente à tout État, de sombrer dans le fascisme, tout en spéculant sur des justifications martyrologiques et théologiques sur le compte du nom volé d'Israël.

Plus profondément encore si c'est possible, et de manière qui pourrait devenir plus dramatique sur une scène élargie, ce dernier échec pointe vers quelque chose sur quoi il devient urgent, pour les parties en cause, de jeter un voile, avant que cela n'apparaisse dans toute son évidence aux yeux du monde, une fois que ces parties auront hâtivement rafistolé leur image par le retrait du caractère inconditionnel de leur soutien aux excès soi-disant défensifs d'Israël, agrémenté de quelques commodes réprimandes focalisées sur un individu problématique, le psychopathe Netanyahou, désigné comme seul responsable de la dérive : la démonstration qu'eux-mêmes, les sionistes, auront fait involontairement des complicités euro-américaines et donc du PLAN DE GUERRE qui a présidé à l' installation d'un État "hébreu" tête de pont en Palestine, où cet État n'aura été qu'un pion stratégique, à l'échelle du Proche-Orient dans un premier temps, puis mondiale.

Le nazisme, pour qu'il "prenne", a besoin de propagande. Ensuite la militarisation de la société suffit pour qu'il s'affermisse. C'est le contraire de la façon normale pour un État de se constituer où on a d'abord la violence, suivie de la victoire, d'où vient la nouvelle jurisprudence. Après quoi il lui faut s'étendre, en faisant la guerre a ses voisins, en raison d'un climat d'hostilité engendré par sa présence. Le coup d'état sioniste en Palestine a mis la charrue avant les bœufs. En prétendant faire une nouvelle loi de leur incapacité à maîtriser leur propension à la violence, ils ont outrepassé la loi du genre, froissé la légitimité qui vient de la reconnaissance, violé le pacte tacite.

Ils pensaient frapper les Palestiniens de terreur et le monde de stupeur. Ils n'avaient pas prévu la résistance d'un peuple bombardé à outrance, ni l'écoeurement et le mouvement de solidarité des peuples du monde entier qui se sont reconnus dans les Palestiniens martyrisés comme dans des frères et sœurs, pas seulement par humanité et encore moins par idéologie, mais parce qu'ils ont senti que leur propre sécurité n'était pas au fond beaucoup plus assurée que la leur, et qu'il pourrait leur arriver d'être à leur tour confrontés à une menace d'aněantissement si le coup de force israélien était poursuivi sans être entravé jusqu'à son terme.

Reconnaissance doublée d'une flambée de haine qui n'est pas près de cesser de brûler sous les cendres.

Forts de leurs soutiens euro-américains, ce que les sionistes israéliens n'avaient surtout pas prévu au bout du compte, et ce sera pour eux le coup de grâce, c'est le soutien adverse, forcément discret au début, mais qui a des chances de devenir de plus en plus direct, des émirats, de la Russie et de la Chine.

A moins que…

Car vu sous un autre angle, avec davantage de recul, de distance, dans le temps long où ce nouveau siècle s'avance, c'est l'indicible, la fiction, qui sera pris ici pour référence : l'objectif à long terme, et massif, des États complices, dans la conquête du pouvoir sur et par les masses, aussi nombreuses qu'asservies, écrasables et finalement impuissantes, qui sera atteint quand l'Est répondra à l'Ouest : la très difficilement évitable 3ème guerre mondiale, vouée à durer des siècles, contrairement à ce que disent ceux qui la voient finir dès qu'elle commence, lorsqu'ils se mettront à s'envoyer des bombes atomiques qu'ils feront exploser les uns chez les autres.

Du côté euro-américain, on peut être assuré que tout sera fait pour en rendre les Islamo-Russo-Chinois responsables.


FOR MORE THAN 2000 YEARS

Jean Monod
Golgotha, Descente de Croix, 2023
(COMPLAINTE SUR LES MALHEURS D'ISRAËL) 

For two thousand years they were away
They suffered & made money
When they came back after World War Two
They didn't ask for hospitality
Nor acted with kindness & humility
They just said : Go away
To their brothers who had been there
For more than two thousand years

Who were them, these newcomers
Pretending to an old story
To justify their greed ?
Jews ? Or Stone People,
Power seekers
Stealing the name of Israël
& speculating on its martyre to make money
Of money a State & of State an army
To exterminate the people who had lived there
For more than 2000 years
& chase the survivors away ?

Time will tell
Truth depends on Victory
Wathever song sings a bell
History is written by the winners
Laws are made by those who reign
& so is memory -
Losers forgotten
Their bodies bulldozered
Their grave cemented
There's not an atom of them left in the air to breathe
"THEY NEVER EXISTED"
The New Order says -
Who will remind Gaza in 2147 ?
Who remembers the Pottowatomies today ?
When a new Empire arises
Everything takes its color
It's like a new Sun
Power sacralized
Past erased
Submission prized
Injustice called Justice
& rebel who has consciousness & memory

For more than two thousand years
A peaceful people have lived there
Closed to us as our family
– Short is a man's story
His death as sure as the Decline of the Sun
Today the Last Day of the Old Sun has begun
& we face with it
The annihilation of our humanity

Pauvre Israël ! Que de souffrances
Tu prépares pour tes enfants
Après celles que dans ta rage aujourd'hui tu infliges !
Je pleure sur ton avenir.

À quelles Erynies as-tu confié ton destin
Lorsque tu l'as remis entre des mains
Qui, spéculant sur ton martyre,
Te ramenaient à ton berceau pour le détruire !

Solstice du 23 décembre 2023


Solstice d’hiver 2023
Golgotha, détail
Patience des fonds

PALESTINE : LE PIÈGE DE L’ÉTAT

Qu’un peuple aie besoin de reconnaissance, cela semble aller de soi. 

Ce qui ne va pas de soi, c’est que cette reconnaissance doivent passer par un État. 

Ce qui va encore moins de soi est la justification religieuse de cette obligation qui serait au-dessus du droit des peuples à se gouverner eux-mêmes. 

Les justifications religieuses sur lesquelles les États prétendent établir la légitimité de leur domination sont trompeuses. Leur sacralité n’a pas besoin de Dieu : la sacralité de l’État, aussi laïc qu’il se rêve, a sa source en lui-même. Mais il peut être utile d’appeler cette source Dieu. C’est ajouter à la terre et aux hommes sur lesquels il règne le ciel, c’est-à-dire l’absolu. 

La religion de l’État formatrice de droit est un modèle qui remonte à l’Antiquité. Un rapport privilégié à Dieu, qui sera bientôt revendiqué comme « le seul vrai Dieu », « le Dieu Unique », justifie la conquête des territoires détenus par d’autres États, sous l’obédience d’autres dieux, comme mission purificatrice. Ses succès sacralisent le droit du plus fort sur une aire qui n’a pour limite qu’une opposition de force égale. 

C’est ainsi que se sont fondés et étendus par la compétition tous les États de l’Antiquité : Sumer, l’Assyrie, l’Égypte, la Grèce, Rome. Tous avaient justification divine et vocation universelle dans la mesure de leur connaissance du monde et de leurs possibilités.

Au début, les États conquérants absorbaient les dieux etrangers. À la longue cependant, une des figures récurrente de la compétition que les États antagonistes se renvoient les uns aux autres est l’opposition du Bien et du Mal – la lutte du Bien contre le Mal, de la Civilisation contre la Barbarie (tournée vers la victoire finale inéluctable du Bien sur le Mal, l’unité assurée, la totalité gagnée, l’éradication du Mal et de la Barbarie). Elle a été schématisée en Perse entre le XVIème et le VIème siècle avant JC sous la forme de l’opposition dualiste entre Mazda et Ariman, le Dieu de la Lumière luttant contre le Dieu des Ténèbres, matrice de l’eschatologie développée ultérieurement dans l’Apocalypse chrétienne . 

Pour justifier ses conquêtes, L’État d’Israël brandit une justification qui détourne la critique qu’on pourrait lui faire de mêler la religion et la politique : la shoa. La shoa n’est pas une religion, c’est un martyre – historique – incontestable. C’est ce martyre historique qui sert à l’État d’Israël de justification « supérieure » de son entreprise de conquête, non la religion.

Le fait est que sa religion n’ordonne pas au peuple juif de conquérir, ni de revendiquer quelque terre que ce soit. Mise à part l’exception de Josué et sa coûteuse dérive, elle ne lui ordonne pas non plus de coloniser et de semer la violence en répandant la terreur. Elle ne lui ordonne même pas de fonder un État. Bien au contraire, elle lui interdit le retour à Jérusalem en raison de sa persistance dans la désobéissance à la loi divine. En bon croyant, ce peuple devra accepter sa condition de banni et attendre de la clémence de Dieu ou de son propre amendement son pardon, sinon sa récompense. Il y a cette profondeur de conscience sans arrogance dans l’esprit juif traditionnel. 

Ce qui est passé sous silence – ce qui est passé, même, à la trappe de la conscience – dans l’invocation par l’Etat d’Israël du martyre de la génération précédente – comme si ce martyre lui « donnait droit » à un État, lui ouvrait un crédit en somme, comme si l’histoire, l’humanité, le monde, Dieu même ! avaient une dette envers lui, et l’Etat juif s’était édifié, plus spéculativement que religieusement, grâce à ses « intérêt » sur cette dette – c’est que jamais nulle part un peuple ne s’est doté volontairement d’un État. Toujours et partout les États se sont constitués en s’imposant par la violence à des peuples qu’ils soumettaient en les exterminant la plupart du temps presque totalement.  

L’État d’Israël ne fait pas exception à cette loi. Il n’en est que sa démonstration la plus récente. Avec Israël on assiste en direct au processus originel de la création d’un État. Depuis 5500 ans, le processus a toujours été le même. Partout il a d’abord pris la forme d’une conquête en terre étrangère, et dans cette conquête il n’y a jamais eu de limite à la violence. Son paroxysme lui est inhérente. Il justifie la haine et l’alimente. Disons plus : il la purge. Il est au-dessus d’elle. Les exterminations ont toujours et partout été effroyables et continuelles. Elles sont amplement documentées et le plus souvent glorifiées par ceux qui les documentent. Rares sont les peuples auxquels les États ont laissé le choix entre la soumission ou la quasi extermination. – Pas le génocide, qui en est la diabolisation. Trompeuse, et à délester de son fantasme. On ne peut pas anéantir un peuple totalement. On ne peut détruire que ceux qu’on a sous la main. Même l’intention eliminatrce est insuffisante à faire du génocide un concept. La quasi extermination est la condition de la soumission de ceux qui restent. 

Cette soumission est nécessaire, car elle fournit la base indéfiniment renouvelable de la puissance.

Passée la conquête, la partie restante, épargnée, des peuples massacrés, qui vient grossir les rangs de la nation guerrière victorieuse gagne certains avantages. L’avantage de survivre, en premier lieu. En tant qu’individus. La terre ne leur appartient plus, leurs liens traditionnels sont rompus, ils sont condamnés au travail, esclaves le plus souvent, mais le temps passant ils peuvent accéder à la « citoyenneté », à la démocratie même ! un semblant d’aisance leur est concédé, une assistance, une protection, du pain, des jeux… Les descendants de ces rescapés succombent surtout sous le poids de servitudes, dans une économie qu’ils ne maîtrisent pas, une insécurité qu’ils ne mesurent pas, un oubli de ce qu’ils ont été, une ignorance de ce qu’ils sont devenus réellement, confondante, une politique sur laquelle ils n’ont aucun influence et un ordre du monde sur lequel leurs manifestations de masse n’ont aucun effet.

Contrairement à une idée, construite sur un sophisme, qui nous vient du « siècle des Lumières », un peuple libre ne devient jamais un peuple étatisé volontairement. Il ne peut passer de sa condition de peuple libre, maître de lui-même, avec son autonomie, sa diversité, ses alliances et toutes les ressources de son cœur et de son intelligence, à la condition de peuple doté d’un État qu’en renonçant à lui même. Il faut pour cela qu’il lui ait été fait violence.

Le mot peuple est source de bien de confusions. Sous son aspect d’unité fictive, hautement manipulable, il recouvre deux entités distinctes et même opposées : les gouvernants et les gouvernés. C’est cette opposition que les États ont généré dans la société humaine, habitée depuis des millénaires par la reconnaissance d’un écart plus fondamental, entre elles- mêmes, dans leurs différences tribales, et la puissance qui avait créé toutes les créatures et l’univers. Quitte, pour les États une fois bien implantés, à passer periodiquement, et de l’Antiquité aux temps modernes, de royautés durables en républiques éphémères, c’est-à-dire d’une légitimation « par Dieu » à une légitimation « par le peuple »…

En se constituant en État au nom du martyre du peuple juif, les oligarques de la diaspora ont bafoué la loi de ce peuple, autant qu’ils ont piétiné le droit des gens auxquels ils ne se sont pas souciés de demander humblement, pacifiquement, pieusement, l’hospitalité, uniquement préoccupés qu’ils étaient d’installer chez eux leur machine de guerre.

Contre la violence dévastatrice de cette machine de guerre, les Palestiniens n’ont à espérer le secours d’aucun État. La compassion  l’indignation, la solidarité, la révolte, viennent d’en bas. Il reste aujourd’hui à ceux d’en bas, plus nombreux que jamais, à faire la preuve qu’ils sont autre chose qu’une masse impuissante. Les États quant à eux se tiennent les coudes : les Palestiniens sont un mauvais exemple. Il ne convient pas qu’un peuple puisse encore se concevoir – et fasse la preuve – qu’il peut exister sans État. 

« Nous ne voulons pas finir comme les Indiens », a dit Yasser Arafat dans les années 70. Depuis, le territoire des Palestiniens n’a cessé de se rétrécir. 

Comme celui des Indiens, le sort des Palestiniens a pour horizon l’effacement. Avec, leurre cynique dans la négociation toujours remise où, tant qu’il restera un bout de territoire à défendre, il pourra leur être demandé de fournir la preuve qu’ils ont la capacité de former un État – un État qui les légitimerait aux yeux des autres États, à la fois poseurs des règles et maîtres du jeu, parce qu’il les contrôlerait selon les modalités où tous les États s’entendent à régner au détriment des peuples.

À moins que, ne pouvant obtenir le retrait des territoires occupés par les Israéliens, les États associés n’envisagent d’octroyer aux Palestiniens, décoration posthume, la dignité symbolique d’État le jour où ils ne posséderont plus rien.

J. M.

(Version mise à jour du texte paru le 27 juillet 2014 sous le titre ISRAËL, L’ÉTAT ET LE PEUPLE sur Facebook.)

Rappel de mes livres publiés (et ignorés…) sur la structure conflictuelle de l’Etat, sa religiosité fondamentale et son fonctionnement par catastrophes graduées :

DU PILLAGE AU DON, Critique de l’idée de civilisation, avec Diane Baratier, L’harmattan, 2014.

OURANOS, Les trois fonctions de la religion dans ans l’État, ABC’éditions, 2015.

APRÈS LE DÉLUGE, Le mythe de la catastrophe salvatrice, ABC’éditions, 2018.

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