CREDO



Je crois en Bleu
Père toutes les couleurs naturelles et artificielles
et en son fils Vert
né de Vierge Aigue-Marine
et au Saint-Esprit Translucide
et à toutes les couleurs de l'arc en ciel
du jaune au vert avec Apollinaire
et du rouge au noir avec Henri Brulard
ainsi qu'au diable vauvert

Je crois en Noir
Père du Vide
et à ses larmes explosives
Je crois à la Nuit et à ses filles
Je crois en un créateur ayant noirci
(ce ne signifie tourner mal)
pour nous induire en poésie
par mémoire digitale
Je crois aux coquillages tant qu’aux galaxies
Je crois au ciel sans lequel ne serait d’ici

Je crois à l’Infini liquide
comme écrivaient gens de Sumer :
« Connais-tu bien respirer ? Id
est l’Univers : bulles en mer »
Je crois à l’Infini tel l’ O
qui nous entoure et nous enclot
Je crois que l’Univers est clos
dans l’Ouvert comme l’air dans l’eau

Je crois à la Nuit qui de tous côtés nous entoure
J’y crois très fort & ne l’oublie jamais le jour
J’aime être éclairé par une étoile

Je crois en Jaune
Face rieuse du Levant
Aux doigts de rose
Au parler d’Orient

Je crois aux Rouges
Aujourd’hui dans des camps
Demain splendeur
De l’Amérique reconquise

Je crois au Nord
Je ne crois pas qu’il soit fixe
Je crois à l'X
Je ne crois pas à la Croix
Je crois en un Dieu chronique
Je ne crois pas à l’Histoire

Je crois au visage des mots
qu’on suit à la trace
Je crois au Temps plus qu’à l’Espace
& à l’écriture moins qu’au caractère

Je crois aux Voyelles
Je crois à la Résurrection des Signes
Je crois à la Transsubstantiation des phénomènes phonétiques et atmosphériques

Je ne crois pas que la civilisation industrielle soit réelle

Mais j’applaudis à Edison
Tant va le monde en son obscur
devenir qu’il faut bien que l’homme
tire quelque chose de lui-même
– voire, lumière à son tour devienne…

Je crois en Bleu couleur de l’Idéal
issu des réflexions du Soleil dans les plus hautes couches de l’atmosphère
& en son fils Gris
né de Vierge Citadine
ayant quitté les déserts de Palestine
portée par un âne
& voyagé depuis
de pinceau en pinceau & de toile en toile
portée par sa douceur & notre ferveur.

Jouer la poésie

Quipu d’Hyères
13/1/2023
TREIZE PAS POUR UN VERBE
LIBER-LIBRA, Hyères, 13/1/2023
TREIZE PAS POUR UN VERBE
LIBER-LIBRA, Hyères, 13/1/2023
POÉSIE DITE
Théâtricul, Genève, 12 /5/2023

POESIE DITE
Théâtricul, Genève, 12/5/2023
POÉSIE DITE
Théâtricul, Genève, 12/5 /2023
Photos : Albertine Benedetto, Claude Barbancey, Evelyne Schumacher, David Valère, Ben Loche, Christian Liotard 
Affiche Théâtricul : Jean-Luc Veuthey

Lettre à une jeune poétesse



Chère ***, le couplet sur l'amateurisme que j'ai écrit l'autre jour ne vous était pas destiné. Sans vous avoir entendue ni vue en réalité, ce qui m'est parvenu de vous m'a permis d'apprécier la qualité de ce que vous faites. Mais vous avez les défauts de vos qualités : vous plaisez et vous aimez plaire. Et cela vous amène à cultiver vos défauts plus que vos qualités et à vous laisser aller à employer des expressions qui sont un déni de poésie (comme l'impossible "mon ressenti"). On ne peut pas plaire à tout le monde. On ne peut pas accommoder la poésie à sa fantaisie. C'est accorder trop de crédit à ce qu'on croit être le goût du public, qui a besoin aujourd'hui d'être instruit, non séduit. Et c'est donner trop peu d'attention à ceux qui ont un besoin vital de poésie. On ne peut pas mettre la poésie en couple avec quoi que ce soit comme si cela allait de soi ; en premier lieu avec de la musique. D'abord parce que la poésie a sa propre musique et c'est l'assourdir qu'en mettre une autre par dessus ; ensuite parce qu'en amplifiant les sentiments inscrits dans un poème, elle les caricature. En comblant ses silences, elle l'étouffe. Par cet étouffement, elle s'accorde au concert criant de ceux qui font oublier ce qu'est la poésie et qui, tout en l'encensant, la nient. Dans cette situation où les faiseurs de mauvaise poésie s'emploient à faire croire que la poésie est l'affaire de n'importe qui, la musique ne sert qu'à renchérir sur ce que la poésie doit éviter à tout prix, comme sa tare héréditaire, son ennemie jurée, son cancer intime : le sentimentalisme, dont la gaudriole est la sœur franco-latine d'estaminet.
La poésie n'est pas une chanteuse de charme. La poésie n'est pas une charmeuse de dîners. La poésie n'a rien à vendre, et surtout pas ses charmes. Et elle n'a rien à voir avec les avant-gardes, pas plus qu'avec les marchés de la poésie, les maisons d'État de la poésie et les printemps des poètes de l'Etat qui les a récupérées au bout du compte. Elle n'a rien à voir non plus avec les "lectures" de poésie, qui sont une indigence doublée d'une traîtrise par complicité de prédicateurs bibliques - comme si la parole, encore et toujours, devait sortir d'un livre. Eux qui ne juraient que de sortir du livre ! Eux qui ne juraient que par le corps dans les années 70 ! Rattrapés par le livre. Que, lisant, ils font semblant de dire. Ils n'ont pas avalé le Livre. Ils n'ont pas osé l'incorporation bouleversante, la mémoire sidérante et le risque de se perdre dans les tourbillons de l'oubli. Ils n'ont pas osé l'aventure de l'ingestion prophétique de l'élixir. Ils ne savent pas ce que c'est qu'extraire une parole du fond cosmique de ses cellules. La poésie est une affaire sacrée. Cette sacralité ne s'est jamais perdue - ce sont ceux qui se disent poètes aujourd'hui et qui font des "lectures" qui l'ont perdue. En réalité, ils ne l'ont pas perdue : ils ne l'ont jamais trouvée. Ils ne l'ont pas cherchée pour elle-même mais pour le vernis dont elle pourrait lustrer leur image. C'est ainsi qu'ils ont cru la posséder. Pour eux, la poésie n'est qu'une affaire de mondanité. Ils l'ont traquée, cernée, déformée, réduite. Et une fois réduite à rien, ils se la sont appropriée. Et ça a marché pendant un demi siècle. Ils ont réussi à en faire un marché. Néolibéralistes masqués, les avant-gardises ont fini par privatiser la poésie. Tant étaient-ils d'avant-garde ! Mais ce qu'ils ont privatisé, ce dont ils se sont approprié, n'était qu'un ersatz. Du partage du don aux marchés de la poésie, du révolutionnarisme aux individualismes narcissiques, de l'investissement subversif des lieux publics aux maisons de la poésie, de la poésie élémentaire au mercantilisme, de la poésie sonore à la poésie sans corps, de la poésie-action à la lecture - et d'une posture de révolte à un capitalisme revendiqué en fin de compte : cette trajectoire résume l'imposture de l'avant-gardisme, la vacuité de ses prétentions, la raison de ses exclusivismes, sa fausse radicalité, son dogmatisme, son académisme, son réactionnarisme, son conformisme, le provincialisme de son internationnalisme, sa superficialité, sa puérilité, son histrionisme et sa culture de classe. Depuis les années 70, les fils de famille qui se parent du nom de poètes, les poètes des maisons de la poésie, des printemps des poètes et des marchés de la poésie, ne sont en réalité que des ironistes. Ils sont poètes comme au temps où les cadets chez les nobles étaient curés quand les aînés s'illustraient dans les armes. Et ils passent leur temps à s'envoyer des clins d'œil comme si cela ne se savait pas de l'autre côté de la barrière sociale. "Les poètes et l'argent, voilà le fond de la question", disait Philippe Castellin avant de passer outre. Il en savait long. Pendant tout ce temps la poésie s'est tue. S'est tapie. Mais elle ne s'est pas perdue. "La poésie est affaire d'expérience propre", m'écrivait Pierre Jean Jouve il y a soixante ans, et Alfred Jarry avait raison contre ceux qui l'ont oublié quand il disait de la poésie qu'elle était "singulière, exceptionnelle et potentielle". L'expérience poétique est la plus singulière de toutes les expériences. Elle ne se réclame d'aucune religion, d'aucune science, d'aucune école. Ni d'aucune idole. Et surtout d'aucune coterie. Il est étonnant qu'à l'extrême de cette singularité elle puisse encore communiquer. C'est son paradoxe. C'est de l'exception qu'elle surgit. C'est aux singuliers en chacun de nous qu'elle s'adresse, et non parce que "nous sommes tous semblables", cette non-pensée de nantis. C'est dans leurs possibilités insoupçonnées que ses amoureux se reconnaissent. C'est dans la potentialité de différences infinies qu'elle survit. La poésie dite est la sacralité retrouvée dans un rite. Le rite de la poésie dite n'est pas un rite sanglant : c'est l'exact opposé des sacrifices. Depuis les Orphiques, depuis les plus anciens temps de l'enseignement chamanique. La poésie n'est pas faite pour les mangeurs de viande. Elle n'est pas faite pour les massacreurs d'êtres vivants. Et elle n'a rien à faire dans les lieux de bouffe. Elle n'est pas faite pour charmer les oreilles de gens qui mangent des bêtes qu'ils n'ont pas le courage de tuer mais qu'ils laissent assassiner par milliards chaque jour. Et s'en régalent. Et s'en gavent. La poésie est bien placée pour le proclamer. C'est la première chose qu'elle a à faire aujourd'hui, la plus urgente, avant tout énoncé. La non-pensée commence avec l'ignorance de ce qu’on mange. La poésie n'a de cesse de scander le gémissement étouffé d'un cri. C'est son tambour. Hors de ma vue les mangeurs de viande ! Hors de ma vue les massacreurs de bêtes ! Hors de ma vue les chercheurs de prétextes, les mondains hideux, les marchands, les trafiquants, les pillards, les faussaires. Les Prétendants. Ulysse, à tes flèches ! Avec ton fils ! Sois aussi de la partie, Artémis ! Sans oublier Circé… Chasse aux porcs métamorphiques ! Ah le beau récit ! Hécatombe de jocrisses ! En France, tout le monde est devenu bourgeois, même les anarchistes, et il n'y a plus de communistes. Hors de ma vue, bourgeoilétaires hypocrites. La poésie n’est pas faite pour vous amuser. Vous croyiez la partie gagnée, l'impossibilité de dire assurée, le mutisme garanti, l'indicible sous scellés. La profondeur évacuée. Et avec elle, toutes les histoires singulières. Et avec elles, toute espèce de lyrisme. Vous croyiez que la pitrerie universelle avait gagné. Il n'y a pas d'univers, il n'y a que du social dans votre poésie ironiste. Tremblez dans vos parties molles, vos estomacs, vos foies, vos reins, vos rates, vos viscères, vos colons, vos tendons, vos os, vos artères ! Vos poumons. Votre cœur. Vos fragilités. Vous mourez des cancers que vous fabriquez en mangeant des bêtes torturées et assassinés à qui vous n'accordez pas l'once d'une pensée. Vous n'avez même pas idée que vous pourriez les chanter. Vous n'avez pas idée que c'est par là qu'il faudrait commencer. Vous n'avez pas idée que c'est de là que le chant naît. Le chant profond nécessaire. La voix qui doit être chantée. La voix qui traverse les sphères. La voix entendue des esprits. La voix qui guérit. Le chant qui allie. La poésie n'est pas plus faite pour vous soigner que pour vous distraire. Elle n'est pas plus faite pour guérir vos ulcères que pour venir vous border dans votre lit. La poésie est plutonienne, c'est à dire osirienne . Elle a pour but de sélectionner ce qui devra disparaître, ce qui devra renaître et ce qui pourra s'éterniser. Elle revient aujourd'hui pour transfigurer. C'est une vestale. Elle a deux dieux. L'un est le silence, l'autre le feu. Voilà ce que nous, ses servants, avons à dire aujourd'hui, et non des "ressentis" de cabinet. La poésie est une affaire de courage. Mais d'abord c'est une sauvage. Qui ne se laisse pas domestiquer. Rebelle. Absolue. L'homme aujourd'hui est devenu un assassin de masse qui se donne des airs d'innocente victime. Il faut avoir le courage de le proclamer. Mais il faut un courage encore plus fort pour dire ce qui est. Il en faut plus que pour affronter une armée. L'état d'abaissement, de prostitution, de bouffonnerie où la poésie est tombée aujourd'hui participe de l'insanité qui règne dans la société marchande. Un mot la résume : l'absence de pensée. La pensée est la sœur de la poésie. L'absence de pensée en poésie est une infirmité et une calamité. On meurt aujourd'hui dans le monde d'absence de pensée et de poésie. Nées ensemble, tuez l'une, l'autre prend sa place, elles disparaîtront ensemble ou jamais. La mise en couple de ces jumelles avec quoi que ce soit qui n'est pas elles, et en particulier avec la musique actuelle, avec la musique américaine, avec la musique électrique, la non musique, le vacarme sanctifié, le rock honni, n'est pas un choix fondé. Il n'est pas réfléchi prioritairement par rapport à la pensée et à la poésie, à leurs exigences, à leur nature commune ; ce n'est qu'une concession à de la sociabilité. Écoute le silence, ***. Bois son feu. Et réponds-lui dans sa langue. Dis ce qui n'a jamais été dit. Que jamais ne cesse ta quête des sons justes et des formules inouïes. Dis ce que seule peut dire la poésie, parole de feu et de silence. Parole de souffrance. Parole de tout ce qui a été brûlé. La souffrance de la poésie est toutes les souffrances. La beauté de la poésie est toutes les beautés. La poésie n'est pas "une autre", elle est l'absente de toutes les vivantes. Erreur de ceux qui chantent les vivantes sans voir en elles "Celle-qui-n'a-jamais-été". Erreur de ceux qui ignorent la fondamentale absence, Dieu. Il n'y a rien à ajouter au pouvoir des mots que rien ne surpasse, ou c'est alors ton poème que tu prends en défaut. Et ta voix. Pour qu'on t'encense. Et la Poésie se détourne de toi. Ne cherche pas à plaire. Ne confonds pas l'amour avec la poésie. L'amour qui n'a pas la douleur pour mère est mensonger. Parais un ange, sois une vestale. Une chawoman. (Je ne dis pas "une guerrière" : à cette distinction tu peux vérifier que mon propos n'est pas l'ami de l'excès.) Tu fais partie des rares poètes aujourd'hui qui ne "lisent" plus. Qui osent la voix nue. Tu as franchi ce degré. Le premier. Tiens-y toi. Tenons-nous-y. Tenons ce pas gagné. Soyons clairs et fermes sur ce qui nous unit. En poètes vrais. Osons l'exigence absolue. C'est la condition pour dire ce qui n'est pas, n'est plus et de nouveau, un jour, aura été. Les forces qui nous animent sont infinies. Elles ne nous appartiennent pas. Notre mission est de les transmettre dans les mots de toutes les langues et dans les sons dont toutes les langues sont formées, et rien d'autre. Cette mission est sacrée. Nous ne pouvons rien transmettre de bon, de beau et de vrai sans cette exigence. Nous ne pouvons rien transmettre de pur. Nous ne pouvons rien transmettre de cosmique. Nous ne pouvons rien transmette qui guérisse. L'univers vient du vide et la poésie du silence. Si les mots sont des filtres, ils comportent aussi une part de feu. "Tout ange est de terreur" a dit Rilke dans sa Lettre à un jeune poète. Les nœuds dans les corps sont des endroits où l'infini a été arrêté. C'est dans ces endroits que se forment les maladies. L'énergie cosmique a cessé d'y circuler. Il en va de même dans les sociétés. La poésie a le pouvoir de dénouer les nœuds. À travers eux, la circulation des souffles est rétablie. Nous ne pouvons dire ces mots sans une exigence absolue, ou alors ils nous tuent. La première exigence à laquelle tout poète doit se soumettre est de ne pas tuer. Les sons de la poésie entrent en résonance avec le cosmos en ressuscitant magiquement celles et ceux qui ne sont plus. Ils ne peuvent le faire qu'en s'accordant avec la création incessante dont ils font partie. Où ils sont proférés, et dans le temps où ils sont reçus, ils transfigurent. Les femmes aujourd'hui, surtout si elles sont jeunes, surtout si elles sont poétesses, ont tendance à beaucoup parler de leur corps et de ce qui se passe dans leur corps, et toutes les femmes sont leurs complices et les hommes s'empressent autour d'elles fascinés. Ont-elles avalé le Livre ? Ont-elles avalé tous les livres qui ont été brûlés ? Ont-elles bu leurs cendres? Les sons qui guérissent ne sont pas ceux qui atténuent les conséquences de nos vices mais ceux qui nous transforment de fond en comble, nous libèrent de nos habitudes destructrices, nous arrachent à notre lie, nous rendent le souffle d'avant notre vie et nous convertissent à une vision du monde épurée de nous-mêmes. Quant à tes "cachets", chère ***, rien ne te force à souscrire aux règles que cette société moribonde édicte. Rien ne t'oblige à te faire payer en euros, en dollars ou en yens. Si tes mots guérissent. La poésie qui guérit, la poésie chamanique se paye en reconnaissance, et la reconnaissance est faite de tout ce qu'offre la nature. Apparais où ça te chante. Fuis les lieux consacrés à la poésie : ce sont des ghettos. Aujourd'hui tous les temples sont pourris. Laisse aux fils de bourgeois qui s'autofinancent et se distribuent entre eux des prix le passe-temps puéril de poser à l'avant-gardisme et de paraître scandaleux. Ne sois pas provocante. Sois imprévisible. Et reste pauvre. Lumineusement. La vraie poésie n'est pas emphatique, n'est pas ronflante. Pour ce qui est de la langue, elle est le minimalisme absolu. Ornée de cosmos, sois étincelle nue ! Je ne te dirais rien de tout cela, chère ***, si je doutais de ta capacité d'être absolue. Et j'aurais encore bien des choses à te dire, mais je vais clore ici cette lettre, car la nuit est sur le point de finir et c'est aujourd'hui le jour où Chiron rencontre la Lune. Je crois en toi, chère *** , je souffre avec toi de n'être pas assez ce que nous devrions être et je regarde du côté du ciel où nous pourrons un jour être présents l'un à l'autre.
. 

	

Distante écume

« Quitter son pays pour retrouver sa langue. »

Après le périple amazonien et la retraite cévenole évoqués dans Lumière d’ailleurs, Distante écume commence une aventure nouvelle. Du Japon aux Andes et des haïku aux quipus, si le monde semble se rapprocher, la poésie reste l’horizon fuyant d’une quête de sa propre origine, où chaque poème est un instantané dans une prosodie qui se réinvente continuellement.        

Peinture

           .          

 

Entre ciel et terre, c’est la dernière chose à voir :       l’homme, un point.

(Ça et là           par les chemins           assis sous une toiture.)     

Personnage aussi direct que complexe, Jean Monod, par son écriture aussi instantanée qu’élaborée, offre de manière frappante des parcours et des niveaux qui laissent au lecteur une liberté de lecture subtilement projectuelle.                              Franco BELTRAMETTI

Nouvelle édition refondue de Distante écume publiée en 1999 par Pierre Courtaud à La Main Courante, ce volume est en réalité un nouveau livre. Développé en Revenante vague et complété par une postface en écho à l’Introduction de Franco Beltrametti à Lumière d’ailleurs, il forme un tout avec cet ancien recueil, un même livre en deux. 

Disponible en trois formats : numérique, broché, relié.

AIOU POESIE IMAGE

JM Éditeur 

JEAN MONOD

FRANCO BELTRAMETTI

AIOU POÉSIE IMAGE https://www.amazon.com/Lumi%C3%A8re-dailleurs-Po%C3%A9sie-POESIE-French-ebook/dp/B09FF5X5R4

À paraître chez AIOU à la prochaine lune

ASTRO POESIE

Elle entre du côté d’Orion et devient sourde
traverse le Lion, tombe fuselée,
allongée, s’inverse, s’éparpille.

Aux planètes elle emprunte talents, oracles,
puis oublie tout. Un accouplement l’affecte
à son tour de veille.

Fous ! Ils croient que la vie seule est !
Ha ha c’est l’asile sphérique !
la narcose atmosphérique ! Vite, un raccourci.

Le geôlier est prisonnier si le devenir est l’être
Le même est l’autre si le sujet est le maître
L’intérieur est l’extérieur si l’équateur
remonte l’écliptique !

Ayant vécu, le temps de voir double
si elle n’est pas renvoyée dans les cercles
elle reprend sa course à l’autre bout du Zodiaque
et sort par où
la Chimère à queue de Serpent darde ses cornes.



LABYRINTHE

Pour sortir du Labyrinthe
il faut voir qu’il est avant le Déluge.
Il faut le mettre à sa place, non dans l’espace,
mais dans le temps, c’est-à-dire dans le ciel.
C’est l’endroit où ne sait pas.
C’est l’endroit où on se perd.
C’est l’endroit avant que ça commence.
Ce sont les entrailles du Temps.
C’est le Cancer.

C’est par là, disait Platon, qu’entraient les âmes.
Dans le sens du Même.
Aujourd’hui, pour se faire entendre, il faut parler si fort !
Que reste-t-il de l’ancien savoir ?
Que reste-t-il du temps où l’on en savait tant
qu’on ne pouvait s’exprimer, à l’égal de l’Univers,
que par énigmes ?

Que sont devenus Virgile et Dante ?
Pythagore, Héraclite, Orphée, Homère ?
Apollodore et celui qui fit Tristan ?
Et l’inventeur d’Arthur, Merlin, et celui d’Hamlet ?

Disparus ! Moins dure serait la perte
si des graines semées jadis
à poignées égales, étoiles, âmes,
ici-bas une avait souvenance !



> ELEGIES, PASSAGE DES SIGNES, INDIAN WAY

TAS D’ESPRITS

             TAS D'ESPRITS



L’autre monde est inimaginable  
il faut y avoir été. 
Devenu question béante je flottais 
accompagné de zarangs.  


PREMIER ZARANG  

Les identités sont passagères
tu n'as pas longtemps 
à être
ce que tu es

Parfois
dans la tête
sur le fait d’avoir à mourir
ça dérape


DEUXIEME ZARANG

Sans vouloir jouer
les alarmistes
il faudrait être sûr
de ce qu'on mange

C’est ce que je dis
toujours
à ma parole 
après 
où iras-tu ? 


TROISIEME  ZARANG

Frère
parlons bas
nous sommes 
tous deux 
toi
les tiens
tous les nôtres 
enfants 
de ce mystère
endormi
qui passe dans nos amours


Il dit &
à l’instant
il disparut
il est devenu moi



Frère
c’est de nouveau là
l’esprit parle en moi
il est venu loger dans ma poitrine
il dit qu’il a bâti 
cette maison
en moi
depuis toujours


Il me demande 
où je suis 
je lui dis 
je suis toi 
ici
sais-tu 
où tu es 
moi ?



QUATRIEME ZARANG

C’est un vivant mort.


DEUXIEME ZARANG

Redonnons-lui vie.


TROISIEME ZARANG

Nous en voudra-t-il ?


DEUXIEME ZARANG 

Sage question : il mord.     


QUATRIEME ZARANG

Nous le ferons tomber 
sur la pierre 
le rangonet.



Je ne suis personne
& je le dis
publiquement 
& I translate 
“I am nobody 
& this is 
& c’est 
ce que j’ai 
that I have 
à vous dire
publicly 
no body
see ? ”



PREMIER ZARANG

Tu l’as dit
ultime chair brûlée

Regard d’une morte
toujours plus réel. 


* 


En chemin
il a perdu le mot
On le scanne
Il l’a perdu 
en chemin
“comme ça”
il dit
On l’a scalpé
comme une volaille
le bobard


Narcissse ! et j’étais dans l’eau...
-- Pourquoi n’as-tu pas cru au roses ?


Cool 
“l’Indien”
laisse-toi plumer 
l’air serein te 
va si bien !





            DEUXIEME SEANCE


Sans tête 
pas de cigarette
Sans cœur
gros problème

Ne t’avais-je pas dit 
que nous nous retrouverions
dans un autre monde ?

Tout le connu est nul
C’est du perdu avec
le non advenu 
que l’art naît


 & la mode en gilet pare-balles sur les podiums de la mort ?


La dernière
tu la connais pas
si tu savais
comme elle t’aura 

La dernière
je la connais déjà
c’est pas la première fois 
qu’elle s’en va 

La dernière
le plus surprenant
c’est quand elle vient
à quel point
on la croyait morte

“Je suis toi
tu n’étais que mon ombre 
& tu appelais cela vivre”

Là
ton évidement
tu le vis
toutes choses égales

Tout ce qui a conscience
croit d’abord vivre
En réalité chacun ne fait que suivre
un chemin de signes

Le danger est grand
de se confondre à l’espèce
où naissant
on meurt pour renaître

Nous traversons
Tu t’es arrêté
Tu devras mourir
Tout ce qui s’arrête doit mourir

Ton toujours
tu le crées
avec ce que tu vises

So often you love things
that are less than a dream
Live your dream
love no thing



L’au-delà
hic & net
l’eau là 
lit dans nos têtes



Parfois
la terre semble
un fond de puits
où des poussières
tombées de la nuit
raniment notre esprit



Something I’ve never done
is what I am doing 

Sans fin j’arrête.
Sans fin je recommence 
J’arrête tout
Je recommence tout



Il n’y a pas 
de commencement
Tout a une fin

Rien n’a de but
Nouveau début

You have
made your
way back
as far as you could

Now each step 
is forward
no matter 
where you go 


Les pierres chantent
où l’air cesse

Quand tu chantes endormi 
ton ombre sait où tu es
elle te retrouvera à l’aube

Quand tu fais une chose 
et veux qu’elle parle
donne-lui des dents

If you make a thing 
& want it stand 
& go
commence par faire les os



Leçons du cœur Jeu de la mort, Aiou, 1995.

CREDO

Je crois en Bleu
Père de toutes les couleurs naturelles & artificielles
& en son fils Vert
né de Vierge Aigue-Marine
& au Saint Esprit Translucide
& à toutes les couleurs de l’arc-en-ciel
du Jaune au Vert avec Apollinaire
& du Rouge au Noir avec Henry Brulard
ainsi qu’au Diable Vauvert

Je crois en Noir
Père du Vide
& à ses larmes explosives
Je crois à la Nuit & à ses Filles
Je crois en un Créateur ayant noirci 
(ce ne signifie tourner mal) 
pour nous induire en poésie 
par mémoire digitale
Je crois aux coquillages tant qu’aux galaxies
Je crois au temps sans lequel ne serait d’ici

Je crois en l’Infini liquide
comme écrivaient gens de Sumer :
« Connais-tu bien respirer ?
Id est l’Univers : bulles en mer »
Je crois à l’Infini tel l’O 
qui nous entoure et nous enclot
Je crois que l’Univers est clos 
dans l’Ouvert comme l’air dans l’eau

Je crois au temps qui donne à l’heure 
vingt minutes pour se découvrir
Je crois à l’O rond et à l’U vert 
à l’I grec et à l’A française
Je crois à la poésiE muette

Je crois à la Nuit qui de tous côtés nous entoure
J’y crois très fort et ne l’oublie jamais le jour
J’aime être éclairé par une étoile

Je crois en Jaune
Face rieuse du Levant
Aux doigts de rose
Au parler d’Orient

Je crois au Visage des Mots
Qu’on suit à la trace
Je crois au Temps plus qu’à l’Espace 
& à l’Ecriture moins qu’au Caractère

Je crois aux Voyelles
Je crois à la Résurrection des Signes
Je crois à la Transsubstantiation des Phénomènes Acoustiques et Oniriques
Je crois à la Communication Trans-galactique

Et j’applaudis à Edison 
tant va le monde en son obscur
devenir qu’il faut bien que l’homme
tire quelque chose de lui-même
- voire, lumière à son tour devienne…

Je crois que le cœur de toutes les créatures qui vivent sous le ciel 
a dans l’Univers son double de cristal 

Je crois en Bleu couleur de l’Idéal
issu des réflexions du Soleil dans les plus hautes couches de l’atmosphère
& en son fils Gris
né de Vierge Citadine
ayant quitté les déserts de Palestine
portée par un âne
& voyagé depuis
de pinceau en pinceau & de toile en toile 
portée par sa douceur & notre ferveur.

TOMBEAU DE NEIGE

EXPERIENCES

MON FUJI

1 (Mont Fuji / ce qu’on appelle
vrai [adverbial]
se trouver / c’est que )

2 (photo / ou bien / tableau [moyen] [insistance]
pourrir / au point de / avoir regardé / mais // objet réel
[annonce] avoir regardé / le fait de [sujet]
ne pas se trouver)

3 (avion [moyen] Tokyo [destination] venir / moment // être visible /
le fait de // aussi / se trouver / il paraît que / mais // moi
[annonce] une fois seulement avoir regardé / le fait de [sujet]
ne pas se trouver)

4 (et / montagne [relation] dessus [lieu] ce / direction
[lieu] Mont Fuji [sujet]
se trouver [relation] avoir ouï / mais // nuage seulement /
ne pas être visible)

5 (toi [sujet] Japon [but] venir / le fait de [annonce] été / ce doit être //
c’est pourquoi / regarder / le fait de [sujet] c’est que /
ne pas être possible)

6 (ce / prochain [insistance] novembre vers / venir //
ainsi / si tu fais // de n’importe où /
bien être visible [engagement]

7 (mais novembre [temps] [insistance] vacances [objet]
prendre / le fait de [sujet] ne pas être possible //
c’est pourquoi / moi [annonce] toute la vie
Mont Fuji [objet] regarder / le fait de [sujet]
ne pas être possible / ce doit être)






D’APRES GUY D’AREZZO

                                                      Pour Mamita   


UT quœrant laxis

paix à ton esprit
il est temps qu’il s’en aille

afin que tes serviteurs puissent

REsonare fibris

ne compte que sur tes victoires
n’espère aucune reconnaissance

chanter à pleine voix

MIra gestorum

la geste admirable

FAbuli tuorum

adhésion progressive
résistance finale très élevée

de tes merveilleuses actions

SOLve polluti

fendu d’un coup
ouvert comme un livre
efface toute souillure

LAbii reatur

( le petit vendeur d’almanachs moscovite :
«on dirait du mastic» )
de leurs lèvres

Sancte Iohannes
Ô Saint Jean!



Quipu ethnologique
Envol de voyelles
L’arbre au voyelles
L’île aux voyelles
L’île au t
Voyelles rapportées aux quatre cordes
précisions
Correspondances méditerranéennes
signature

A suivre dans Poèmes vocaliques

ART POETIQUE

ART POETIQUE


De plus en plus
juste
ce qu’il faut
avec
de moins en moins


Veiller au plus proche
Même un cheval peut s’y perdre


Avant je creusais
          maintenant j’avance


Par broyage
le vin se forme
en bouillant
comme une étoile


Vivant !
C’est ce que me dit
le vin nouveau
L’ivresse
est ma prière.







 

                                                         VIGNETTES  
                             A/DEDICACES
TAS D'ESPRITS

A/Dédicaces

                         A Théo Lesoual’ch

La fête
une fois de plus
finie au ciel
et je n’étais pas sur la colline

Nuage de traîne
nimbe de lune
en gros flocons qui sitôt fondent




A Julien Blaine

J’ai rêvé de toi
dans les rose orange
sur des traits bleus fins
navajos
1. Le corps
2. Le tableau




A Rita Degli Esposti

J’ai revécu tes poèmes
à Venise
écoutant la rue
j’ai relu Dante
je marche sur l’eau




A Bernard Lamarche-Vadel

Lire c’est lire
Dire c’est dire
Délire c’est renverser la lecture
remonter le fil de l’écriture
jusqu’au nœud d’avant la coupure
de “la corde à laquelle on est tous pendus
qui nous lie à l’origine de tout”

Prendre le temps dans une nasse
un miroir où piéger l’égarement

Tramer le fugace
ce qui passe
devient passé insaisissable
autant qu’il le fut présent

Au creux d’une main
vase
remontée à la surface
du fond de rivière ou d’étang

poudre de terre ou d’ossements

un doigt l’étale
quand elle sèche

d’un souffle à l’air
peindre son étoilement.



  

«LUMIERE SUR MA TERRE CRUE»

à Ariane Coissieux


A combien de fusion
les mots deviennent émail ?
Personne n’a la formule.

Ce perroquet
poussé en becs
d’un bambou
terreux
prend

ou
chu
comique
d’un gland
qui ne peut tenir
que sur la tête ?

Paume retournée
ce pot est une main
le contraire d’une cloche
son battant est langue de silence

Ce qui a coulé feu
vers le creux s’appose
à la conque ourlant
vers le haut sa pente



Tout l’autour vu du dehors
pyramide ronde en creux
orbe où boire c’est se voir
nuit quand l’homme bleu s’y penche

De rien (ou feu
ouvert
au fond) la fente

fille des cavernes
magicienne
Ariane l’enfante.


                       



Visiting again
Theo’s garden – some more trees
from around

Mousses bleu ciel
sur les troncs noirs – Théo
poissons dans la main.


Jessie




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